Je ne vais pas faire un traité théologique sur l’adoration, je n’y connais rien et des tas de livres existent, ni vous faire un enseignement, faut avouer que je suis un peu paresseux.
Bref mais je peux vous parler, au fond, pourquoi je vais adorer chaque jour le Seigneur dans le Très Saint Sacrement de l’Autel ; ou encore dit autrement, pourquoi je vais chaque jour me mettre à genoux devant un bout de pain plat et jaune appelé hostie, placé dans un ostensoir, un grand soleil doré sur pied, sur un autel, dans une église plus ou moins chauffée.
Bon, ce n’est pas qu’un bout de pain. C’est Jésus, le Fils de Dieu, le Visage de Celui qu’on ne voit pas en fait, notre Père au Ciel, Celui sans qui on ne vivrait pas. Le prêtre à la messe consacre cette hostie, et comme on croit – parce que c’est vrai – ce que Jésus nous a dit : Ceci est mon corps » en rompant du pain la veille de sa mort, eh bien on croit vraiment, en vrai de vrai, que c’est Jésus dedans l’hostie.
Alors bon, je ne peux pas vous le prouver. Mais vous affirmer que Jésus est là dans cette hostie consacrée, ça c’est sûr. Ben attendez... comment on peut aller tous les jours dans une église pour voir un bout de pain ? Ce serait mieux chez moi : un canapé, ou un tapis, une bonne baguette, ou du bon pain qui croustille sous la dent, qui fait saliver rien qu’en le voyant, personne d’autre que moi et le pain – et surtout pas la vieille qui prie en faisant siffler ses dents, voire le vieux qui récite tout bas un chapelet en faisant des bruits-de-bouche horribles. Bon on va m’accuser de vieuzophobie, je m’arrête là.
Non mais en vrai, si y a quelque chose qui me pousse à y aller, c’est bien qu’il y a quelque chose. Je ne suis pas du genre à obéir facilement ou quoi ou qu’est-ce.
En fait sur place, parfois il ne se passe rien. Enfin en apparence. Du genre, t’arrives, y a un chant chouette, souvent beau, à plusieurs voix, le genre de chant qui te fait plonger, et puis, pouf, plus rien. Le silence – ou presque.
Mais alors au dedans de toi, là ça parle dans tous les sens, tu penses à ta Grand-Mère, à ton poisson rouge, au temps qui ne passe pas vite, à ta voisine qui siffle et qui t’énerve, à celui qui qui remonte toute la nef à genoux, au moins 10 fois en faisant ses salamlecs. De temps en temps, tu penses à Dieu, là présent, offert, qui te regarde.
Ah bah oui, parce que d’abord l’hostie, elle te regarde. Tu te laisses regarder par l’hostie, par Dieu caché dans l’hostie, déguisé en truc-rond-blanc-ou-jaune. Alors de temps en temps, tu t’en aperçois, tu te reprends, aller... 10 sec. Et c’est reparti le vélo intérieur de ta tête. Mais c’est pas grave, tu te reprendras au prochain virage.
Il y a aussi des fois où tu ne sais pas pourquoi, c’est fou, le temps passe vite, tu es comme aspiré par l’hostie, tu ne peux plus t’empêcher de regarder Jésus, tu ne sais pas pourquoi. T’es à genoux, tendu vers l’avant, vers le Centre, vers Celui qui est tout. Et il te murmure des trucs, et il te parle, ou ne dit rien, mais c’est tout comme. Comme avec ton meilleur ami ou celle que ton cœur aime, que tu n’oses plus parler parce que ça ne servirait à rien. Mais le silence est habité, plein, entier, épais.
C’est pour ça je crois que je vais adorer. C’est parce que Dieu quelque fois arrête de se cacher et me montre son visage. Et me dit qu’Il m’aime. D’un amour fou fou fou. Et moi mon cœur fond, la tempête qui m’agitait s’arrête, le temps suspend son vol et... et pis c’est tout, le reste c’est du privé.
À la fin, il y a encore un beau chant, et le prêtre il va remettre l’hostie-dans-la-lunule (le cercle qui sert à encadrer l’hostie) au tabernacle, génuflexion et rentre chez toi.
Mais alors à tous les coups, à tous les coups je vous jure, tu ressors en paix. Que t’aies pensé à l’omelette d’hier soir ou que t’aies ressenti comme un fou l’amour de Dieu, tu es en paix. Et donc en joie simple. Et ouvert aux autres. Et puis, bizarre, tu te tiens plus droit. Si, physiquement, plus droit. Si, je vous promets.
Bon ben voilà, l’adoration, c’est le plus cadeau qu’on puisse nous offrir je crois. Voir Dieu, et le voir nous voir. Il a accepté d’être là, présent, caché, muet, comme ça on n’a pas peur. Parce que le Dieu des Armées, moi il m’effraie un peu (un peu plus ce serait pas mal je crois), mais l’hostie, Il est bloqué dedans, Dieu. Comme ça Il te laisse approcher, Il te laisse lui demander, Il te laisse lui ouvrir ton cœur : « Viens Seigneur, j’ai finis de bouder, tu peux entrer »
C.H